L’introduction d’outils d’intelligence artificielle (IA) en entreprise soulève des questions majeures en matière de dialogue social. Une décision récente du tribunal judiciaire de Nanterre rappelle aux employeurs l’obligation de consulter le comité social et économique (CSE) avant tout déploiement de ces technologies.
Un Déploiement Contesté par le CSE
Dans cette affaire, le CSE d’une entreprise a saisi le juge des référés pour faire valoir son droit à être informé et consulté sur la mise en œuvre d’outils basés sur l’IA. Après plusieurs demandes restées sans réponse, une première assignation a été déposée en juin 2024. L’entreprise a alors engagé une consultation du CSE en septembre, mais celle-ci a été jugée insuffisante par les représentants du personnel, qui ont réitéré leur action en justice en novembre afin d’obtenir des documents complémentaires et un délai supplémentaire.
Le CSE a soutenu que ces applications avaient été mises en place avant même qu’il puisse rendre son avis, ce qui constituait une entrave à ses prérogatives. Il a donc demandé la suspension du projet sous astreinte financière.
Un Juge Favorable à la Position du CSE
L’argument de l’employeur, selon lequel il s’agissait uniquement d’une phase expérimentale ne nécessitant pas de consultation formelle, n’a pas convaincu le tribunal. Le juge a estimé que la mise en place de ces outils relevait plutôt d’une phase pilote impliquant déjà l’ensemble des salariés, caractérisant ainsi un déploiement anticipé.
En conséquence, le tribunal a ordonné la suspension du projet jusqu’à la clôture de la consultation du CSE, assortissant cette décision d’une astreinte et d’une condamnation financière au bénéfice du comité.
Un Précédent pour l’Encadrement de l’IA en Entreprise ?
Cette décision met en lumière l’importance du dialogue social face à l’intégration croissante de l’IA dans les organisations. Conformément à l’article L. 2312-8 du Code du travail, une mutation technologique de cette ampleur nécessite une information et une consultation du CSE. De plus, le comité peut faire appel à un expert en vertu de l’article L. 2315-94.
Si cette ordonnance de référé ne constitue pas une jurisprudence définitive, elle souligne néanmoins les risques pour les employeurs qui introduiraient des outils d’IA sans associer les représentants du personnel. À l’heure où ces technologies transforment les métiers et les conditions de travail, le respect du cadre légal est plus que jamais essentiel pour anticiper d’éventuels contentieux.
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